Ticpharma – Healthcare companies face the headache of recruiting tech profiles

Les industriels de santé face au casse-tête du recrutement des profils tech

23/11/2018 0 9

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PARIS (TICpharma) – Avec la digitalisation croissante de la santé, les industriels du secteur sont à la recherche de nouveaux profils de data scientists, développeurs ou managers capables d’encadrer des équipes techniques, et doivent revoir en profondeur leurs processus de recrutement, ont témoigné auprès de TICpharma les cabinets de recrutement GenSearch et Mobiskill, respectivement spécialisés dans les sciences de la vie et les nouvelles technologies.

“Responsable mondial de l’automatisation et des technologies”, “ingénieur spécialisé dans la conception d’algorithmes”, “directeur de la donnée et de l’expérience client” ou plus simplement data scientist ou développeur: ces offres d’emploi pourraient émaner d’entreprises spécialisées dans les technologies et l’informatique, de la finance ou de la grande distribution. Et pourtant, elles ont toutes été publiées ces dernières semaines par des industriels de santé, groupes pharmaceutiques ou fabricants de dispositifs médicaux.

Consultante senior pour la pharma et les biotechs au sein du cabinet de recrutement GenSearch, Pauline Rambaud observe cet intérêt grandissant du secteur pour les profils tech depuis “deux à trois ans”.

“Beaucoup d’industriels pharmaceutiques sont en train de monter des équipes de data analysts et de data scientists, mais ils ne savent pas toujours où les mettre, ni quel profil recruter au niveau du middle et du top management pour les encadrer”, a-t-elle relevé.

Elle a notamment expliqué cette tendance par le caractère “stratégique” que revêt de plus en plus l’analyse de données dans l’industrie, et par les nouvelles possibilités offertes par l’ouverture des bases de données médico-administratives aux acteurs privés et la création du système national des données de santé (SNDS) (voir dépêche du 31 juillet 2017).

Seul hic: peu de personnes ont actuellement les compétences nécessaires pour manipuler ces volumes massifs de données. Et jusqu’ici, les bases ont été principalement utilisées par des équipes académiques ou par des institutionnels. L’enjeu est donc d’identifier de potentiels transfuges, prêts à travailler pour le secteur privé, a noté Camille Dumand, consultante chez GenSearch spécialisée dans l’e-santé.

Pour ces recrutements, elle a expliqué viser le plus souvent des profils de statisticiens, pour beaucoup formés à l’Ecole nationale de la statistique et de l’administration économique (Ensae), ou des épidémiologistes.

Mais l’Ensae “n’est pas un puits sans fond” et les formations mêlant des enseignements scientifiques et techniques, à l’instar du master “Big data for business”, proposé depuis 2016 par HEC et l’Ecole Polytechnique, sont encore “très récentes”, a-t-elle observé. Le marché est donc particulièrement tendu.
Comprendre la techno et le business

“Ce ne sont encore que des balbutiements mais on sent bien que l’avenir est là et que nos clients vont être de plus en plus amenés à rechercher des profils à l’interface entre compétences techniques et connaissance du secteur de la santé et de son modèle économique”, a analysé Pauline Rambaud.

Ces recrutements au croisement des technologies et des sciences de la vie se heurtent toutefois à de nombreux défis, car les profils existants sont peu nombreux, ne connaissent pas toujours les opportunités offertes par le secteur de la santé, et diffèrent beaucoup des compétences traditionnellement recherchées par les industriels.

Même quand il s’agit de recruter un manager pour encadrer ces profils techniques, “il faut trouver des personnes curieuses, adaptables, prêtes à gérer des équipes qui avancent en marchant, et qui comprennent aussi bien les sujets techniques que les enjeux business qui en découlent”, a noté Pauline Rambaud.

“Nos clients attendent de ces personnes qu’elles créent elles-mêmes leur poste, qu’elles soient force de proposition et qu’elles soient dans la transversalité et l’échange avec les autres équipes. Avoir ces deux facettes n’est pas simple”, a complété Camille Dumand.

Confronté à des questions de plus en plus nombreuses de ses clients, le cabinet GenSearch s’est rapproché en septembre de MobiSkill, cabinet spécialisé dans le recrutement de profils tech, pour faire un état des lieux du marché et comprendre quels sont les leviers à actionner afin d’attirer ces nouvelles compétences.
Pionniers d’un secteur “en forte digitalisation”

Pour Adam Dia, responsable du pôle data de Mobiskill, les industriels disposent de plusieurs atouts.

“Il y a un ras-le-bol général du côté des développeurs, qui croulent sous les offres en publicité, marketing ou finances. Certes, ce sont les secteurs où l’on trouve la plus grande volumétrie de données, mais on me demande de plus en plus de postes en ‘green tech’ ou en e-santé, car les développeurs recherchent aussi un métier qui a du sens”, a-t-elle confié à TICpharma.

Autre atout potentiel de la santé évoqué par la chasseuse de têtes: le “challenge” que représente un emploi “dans un secteur en forte digitalisation”. “Ces profils sont attirés par la difficulté. Etre le pionnier de tout un secteur en y injectant de la donnée peut être un aspect sur lequel communiquer pour les recruter”, a-t-elle souligné.

Reste que les codes de la pharma et du dispositif médical, en particulier des grands groupes, sont encore bien différents de l’univers “agile et flexible” de certaines jeunes pousses de la tech. Les profils tech peuvent par exemple préférer des contrats en freelance, sur des missions à court ou moyen terme, pour changer d’entreprise dès qu’un projet est terminé.

Ce décalage doit inviter les industriels à revoir leurs processus de recrutement, car l’équilibre entre l’offre et la demande sur le marché de l’emploi de la tech est aujourd’hui “complètement inversé”, a mis en avant Adam Dia. “Avant, on postait une annonce, on avait 10 candidatures et on faisait son marché. Maintenant, il faut s’adapter aux demandes des développeurs”, a-t-elle expliqué.
Jouer l’ouverture et la transparence

Les entreprises de santé gagneraient à calquer leurs offres d’emploi sur ce que certaines start-up proposent déjà, à savoir “du challenge technique”, “un potentiel recours au télétravail”, “des conférences ‘HealthTech’ payée par la société”, ou encore la possibilité de “travailler sur des projets ad hoc de R&D pour tester des solutions” ou d’être impliqué plus étroitement en obtenant des parts dans l’entreprise.

Adam Dia a également invité les industriels à communiquer plus largement sur leurs activités dans le digital, notamment sur des plateformes très fréquentées par les développeurs comme Welcome to the jungle, Stack Overflow ou Github.

“Le fonctionnement de la pharma est encore très opaque et peut pâtir d’une image dégradée auprès du grand public. Il faudrait apporter plus de transparence pour inviter les développeurs à s’impliquer”, a-t-elle observé.

“Puisqu’on ne sait pas ce qu’il en est, on part du principe que c’est un secteur fait de grands groupes, aux processus lourds, qui n’ont pas forcément l’envie de se digitaliser et qui pâtissent de vieilles technologies compliquées à faire migrer sur des outils nouveaux. Ce qui explique que l’on préfère parfois ne pas y mettre les pieds”, a-t-elle ajouté.

Les industriels pourraient aussi se démarquer en mettant en exergue “leur force de frappe financière pour piloter des projets de grande envergure technique”. Une force de frappe qui permet par ailleurs de proposer des salaires attractifs, alors que le recrutement d’un développeur se négocie aujourd’hui entre 45.000 et plus de 100.000 euros annuels, et que ces derniers “attendent souvent un ‘gap salarial’ de 2.000 à 10.000 euros supplémentaires par an” lors d’un changement d’employeur, a noté Adam Dia.

Conscient de la nécessité d’accompagner l’industrie dans cette transformation au long cours des politiques de recrutement et de gestion des ressources humaines, dans un univers où les frontières entre sciences de la vie et technologies sont de plus en plus ténues, le cabinet GenSearch réfléchit à organiser début 2019 avec MobiSkill un “meet up”, afin d’inviter ses principaux clients à poser leurs questions sur les spécificités de l’emploi dans la tech.

“On découvre ce secteur, on avance avec nos clients, mais nous sommes persuadés que cette curiosité grandissante pour les données et les technologies est une tendance à ne pas manquer en tant que recruteur”, a résumé Pauline Rambaud.

Raphael Moreaux

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